Disparition de Charles Massi : Idriss Deby, la plaque tournante de l’énigme


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Deby, Massi et Bozizé

Depuis plusieurs semaines, l’affaire de la disparition de l’opposant rebelle - et non moins ancien ministre tant de l’actuel président François Bozizé que de son prédécesseur Ange-Félix Patassé de 1993 à 2003 –, le pharmacien-colonel Charles Massi, défraie la chronique des affaires mystérieuses de la CEMAC.

L’opposant est-il encore vivant ou a-t-il été - comme le clame son épouse éplorée – torturé et tué dans un épouvantable cachot centrafricain ?

Pour l’heure, pendant  que François Bozizé le chef de l’Etat centrafricain affirme le plus placidement du monde … « qu’on aille chercher Massi là où il est censé être » c’est-à-dire « avec les rebelles », Ange Patassé, autre opposant et ancien président centrafricain, exige pour sa part, avec force trémolos dans la voix, la mise sur pied d’une Commission d’enquête internationale.

Dans toute cette tragédie comme l’Afrique en a coutume, personne, mais alors personne absolument, ne songe encore à poser la moindre question au président tchadien Idriss Deby Itno, qui, en réalité, est la véritable plaque tournante de ce drame de plus.

 

Voici donc une nouvelle affaire sordide de sang et de larmes qui se joue sur la scène des républiques bananières d’Afrique centrale.

Une affaire dégoûtante dans laquelle un homme politique de premier plan a été arrêté en plein jour par des soldats tchadiens, à la lisière des frontières du Tchad et de la Centrafrique, pour être remis – indubitablement sur hautes instructions du chef de l’Etat tchadien – aux soldats centrafricains.

En effet, selon des informations dont la crédibilité est incontestable, le colonel Massi a été enlevé le 19 décembre en Centrafrique même, dans la zone de Ngaoundaye (plus de 500 km au nord-ouest de Bangui), proche de la frontière avec le Tchad, par des éléments tchadiens, venus à la rescousse de Bozizé sur ordre de Deby.

Lors des festivités de fin d'année organisées à Sarh (sud tchadien) par Idriss Deby Itno, il a donc été livré à Bozizé par le tueur en chef de N’djamena comme un simple cadeau de fêtes de fin d’année, au mépris des conventions internationales relativement à  la protection des opposants persécutés ou pourchassés qui risquent leur vie ou une réclusion en cas de retour dans leur pays.

Il faut d’ailleurs rappeler qu’en mai 2009 déjà, il avait été arrêté dans le sud tchadien, emprisonné au Tchad pour "tentative de déstabilisation d'un pays voisin" avant d’être libéré deux mois plus tard le 8 juillet à la suite de fortes pressions des organisations de défense des droits de l’homme.

Homme épris d’un sens poussé de la justice, et soucieux de voir restaurer la démocratie dans son pays, le colonel Charles Massi qui était encore ministre de Bozizé en 2008, avait de nouveau rallié la rébellion et décidé de continuer la lutte armée contre le régime du larbin de N’djamena qu’est le général d’opérette François Bozizé.

Ce qu’il ne savait pas certainement depuis son arrestation libération au Tchad, c’est qu’il fallait se mettre sur ses gardes contre, non seulement son adversaire Bozizé, mais aussi et surtout contre le dictateur tchadien qui a l’habitude d’arrêter ses opposants et de les trucider dans le secret des camps de concentration qu’il a érigés partout au Tchad.

Deby n’avait-il pas enlevé en plein jour, le 02 février 2008 l’opposant tchadien Ibn Oumar qui n’a plus jamais reparu jusqu’à ce jour ?  

Depuis un mois et demi, l’épouse - d’origine française - de Massi qui savait que son mari avait été emmené vers une "destination inconnue", c’est-à-dire vers cette sorte de trou noir dans lequel l’opposant centrafricaine donne l’impression d’avoir été désintégré, n’en finit plus de se rouler par terre et de hurler son désespoir aux micros des radios internationales et devant les chancelleries, mais les autorités de Bangui, comme tous les assassins qui se respectent, sont restées imperturbables.

C’est ainsi qu’en bon disciple du Tchadien Idriss Deby, François Bozizé peut froidement – et les yeux injectés de sang – suggérer à ceux qui s’inquièteraient pour le sort de leur ami et parent Massi, – et c’est le comble de la cynique ironie – d’aller le chercher au milieu des rebelles.

Tandis qu’à leur tour, ses larbins qui dirigent les services de sécurité et de répression poussent des cris d’orfraie, en psalmodiant qu’ils ne savent rien de cet homme dont ils veulent certainement faire croire qu’il s’est simplement dilué dans la nature comme de la fumée.

La seule note discordante – et plutôt stridente qui s’élève de Centrafrique pour l’heure - provient de Ange-Félix Patassé qui, bien que se défendant de ne pas indexer François Bozizé, n’en demande pas moins que soit instituée une Commission d’enquête internationale.

Une commission d’enquête qui, bien évidemment, devrait commencer par … le commencement, c’est-à dire par l’arrestation au Tchad de Charles Massi.

Qui l’a arrêté, où, quand, comment, en compagnie de qui et pourquoi ? Puisque lors de sa libération en juillet 2009 à N’djamena, les autorités tchadiennes avaient dit avoir reçu l’assurance que Massi n’avait plus aucune intention de déstabiliser le régime en place en Centrafrique ?

 Voilà les questions autour desquelles doit s’articuler le travail d’une commission d’enquête internationale véritablement indépendante.  Ensuite, il faudra bien que N’djamena dise qui exactement a donné l’ordre de l’extradition illicite de l’opposant vers Bangui.

Malheureusement personne n’a songé une seule seconde à poser la question à Deby, qui, au moins parce que ce "né pour tuer" a toujours été sans pitié pour ses propres contradicteurs, doit savoir si le pauvre Massi est mort ou vivant.

Deby doit le savoir, mieux, il le sait, mais il ne dira jamais rien, comme il n’a jamais rien dit du sort qu’il a réservé à Ibn Oumar.

Mais par acquit de conscience, on devrait sans cesse lui poser la question : « Où estMassi » ?

 

Par D.D | Ndjamena-matin

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